dimanche 15 avril 2012

Une voix mapuche: Elicura Chihuailaf




Elicura Chihuailaf, revendique ses racines indigènes. Poète engagé originaire du sud du Chili où il est né en 1952, il écrit en mapudungun, la langue des Mapuches. Il a publié de nombreux ouvrages, le plus souvent bilingues, et notamment une anthologie des poèmes de Pablo Neruda en langue mapuche. Son œuvre a été traduite dans plusieurs langues. Il est internationalement connu et participe régulièrement à des festivals, colloques ou récitals à travers l’Amérique et l’Europe. Membre de l’Académie Chilienne de Langue, il a été secrétaire général de la Société des Ecrivains Indigènes d’Amérique.

Dans les lignes qui suivent, il évoque l’exil et l’oralité, thèmes récurrents de la culture mapuche:

Ma poésie est en constante évolution dans la mesure où elle représente ma situation en tant que mapuche : en plus de vivre exilé en ville, j’ai dû apprendre des codes qui ne sont pas les nôtres, ce qui revient à être exilé sur mon propre territoire. Ce déracinement apparaît quand on naît, grandit et apprend à penser selon les coutumes et l’esprit d’un peuple qui a été déplacé. Il suffit de faire quelques kilomètres pour se retrouver dans un autre « pays ».

Je me suis toujours considéré comme un « oraliteur » car, lorsque j’étais interne au lycée de Temuco, j’ai commencé à écrire par nostalgie et non pour accéder aux livres qui me semblaient étrangers puisqu’ils ne parlaient ni de nous ni de notre réalité...

Pour notre peuple, il y a quelque chose d’essentiel dans notre mode de vie : c’est l’art de la conversation. Ce n’est pas tant le fait de parler qui est difficile. Le vrai travail de la parole consiste à apprendre à écouter et ainsi créer la réciprocité.

Selon nous, cette disparition de l’art de la conversation et de l’oralité est liée à l’absence  de vraie démocratie dans la société. Par exemple, on ne tient pas compte de l’opinion des enfants : on ne les  prend pas en considération et on ne leur permet pas de donner leur avis. Il en est de même avec les personnes âgées : on les tient à distance et on ne leur donne pas la possibilité de partager leurs expériences. Nous, nous disons que nous sommes tous à la fois des enfants et des personnes âgées.


Les vers qui suivent pourraient constituer son credo poétique.
La traduction en français est suivie de la version originale bilingue (mapudungun et espagnol).

La clef que personne n'a perdue
La poésie ne sert à rien, me dit-on.
Et dans le bois les arbres se caressent
avec leurs racines bleues et agitent leurs branches
dans l'air, saluant avec les oiseaux la Croix du Sud.
La poésie est le profond murmure des assassinés,
la rumeur des feuilles en automne, la tristesse
envers le garçon qui conserve la langue
mais qui a perdu l'âme
La poésie, la poésie est un geste, le paysage,
tes yeux et mes yeux,  jeune fille, les oreilles, le coeur
la musique elle-même. Et je n'en dis pas plus, car
personne ne trouvera la clef que personne n'a perdue.
Et la poésie est le chant de mes ancêtres
le jour d'hiver qui brûle et éteint cette mélancolie si per
sonnelle.

Ini rume ñamvm noel chillafe
Feyti vlkantun che mu rume kvmelay, pigeken
Ka fey ti mawizantu ayiwigvn .ti pu aliwen
ñi kallfv folil mu egvn
ka ñi chagvll negvmi ti kvrvf
chalilerpuy vñvm egu ti Pvnon Choyke
Feyti vlkantun alvkonchi wirarvn
feyti pu lalu
kiñe pin ti tapvl rimv mew
feyti weñagkvn feyti wecheche
ñi petu zugu ñi kewvn
welu ñami ñi pvllv
Feyti vlkantun, ti vlkantun fey
kiñe pewma feyti afvl chi mapu
tami ge ka iñche ñi ge, vlcha
allkvfe piwke, ka feychi  vl zugulvn
Ka zoy pilayan, ini rume penolu
ti llafe ini rume ñamvn nolu
Kas vlkantun fey ñi vl tañi pu Kuyfikeche
pukem antv mu vy lu ka chonglu
feyta chi kisu zwam weñagkvn

 
La llave que nadie ha perdido 
La poesía no sirve para nada, me dicen
Y en el bosque los arboles se acarician
con sus raíces azules y agitan sus ramas
al aire, saludando con pájaros  la Cruz del Sur
La poesía es el hondo susurro de los asesinados
el rumor de hojas  en el otoño, la tristeza
por el muchacho que conserva la lengua
pero ha perdido el alma
La poesía, la poesía, es un gesto, el paisaje
tus ojos y mis ojos muchacha, oídos corazón
la misma música. Y no digo más, porque
nadie encontrará la llave que nadie ha perdido.
Y poesía es el canto de mis antepasados
el día de invierno que arde y apaga esta melancolía tan personal.







 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire